Underwater skies, 2022 Huile sur toile 197 x 146 cm
Lucie ANTOINETTE
Il est d'usage courant en littérature et cela même chez les écrivains réalistes d'inventer des territoires : à l'exemple de William Faulkner et le fictif Yoknapatawpha, utilisé dans une quinzaine de ses romans. Cette volonté de produire des espaces qui n'appartiennent qu'à soi se retrouve également dans les arts visuels mais encore plus particulièrement dans les œuvres de Lucie Antoinette. La très jeune artiste, toujours étudiante aux Beaux-Arts de Paris dans l'atelier du peintre Tim Eitel, possède un univers bien à elle. Elle y construit en mêlant, photographies, vidéos performatives, céramiques et surtout peintures une perméabilité du temps, de l'espace, du réel qui lui est unique. Les temps y sont multiples, les espaces indéfinis et le réel affleure toujours dans un imaginaire omniprésent. L'ensemble baigne le plus souvent dans des teintes sombres, surtout les bleus que l'artiste affectionne. Une couleur que les romantiques allemands ont particulièrement aimé, celle de la mélancolie, du lointain, de l'infini mais avant tout de la liberté. Ce sont, appliqués en couches fines, des pigments indigo, outremers, de Prusse, phtalo, roi, ceruleum. Ils dessinent, à l'instar des rêves, une succession d'impressions changeantes. Des sensations multiples et indécises comme issues d'un kaléidoscope que l'on observe dans des fonds aux contrastes puissants, où la lumière blanche cohabite avec le noir et laisse entrevoir des végétaux, des demeures, des objets et des signes indéterminés. Des fragments que l'on retrouve dans une longue série de céramiques carrées de tout petit format (5 x 5cm) qui semblent les blasons ou les emblèmes de territoires possibles. Une manière d'invoquer encore les espaces imaginaires poreux qui vont à l'encontre des innovations technologiques, intelligence artificielle ou calculateur quantique, que les experts en tous genres souhaitent nous voir adopter pour unique guide.
Alain Berland